Nancray à l’époque de la révolution française

Le hasard des recherches m’a conduit à lire le registre des actes de la municipalité de Nancray à partir de 1790. (Archives départementales du Doubs EAC 532/D5 ) On y trouve des éléments intéressants sur la vie quotidienne des villageois dans cette période révolutionnaire.

Ce registre s’ouvre en 1790 sur  la composition de la Municipalité qui à l’époque, et selon les nouvelles lois de l’assemblée constituante, doit comprendre : 1 maire, 3 officiers municipaux, 1 procureur, 1secrétaire greffier, 6 notables, et 1 trésorier. A cette élection participent tous les hommes, citoyens actifs de la commune, mentionnés nominativement dans le registre. Ce qui nous permet d’y reconnaître un Valier Bernaud. Ce n’est peut-être pas notre ancêtre direct, celui-ci étant né en 1718, mais très certainement un de ses neveux ou cousins. Sous les ratures, on arrive à comprendre qu’il avait été élu comme officier municipal, puis raturé pour des raisons qu’on ne peut expliquer.

SONY DSC

SONY DSC

SONY DSC



En 1792, « l’an 4 de la liberté, l’an 1 de la première République Française », le 12 décembre, il est procédé au renouvellement du corps de la Municipalité. Parmi les 3 officiers municipaux est élu Sébastien Bernaud. On le retrouvera comme scrutateur pour la désignation de 4 assesseurs auprès le juge de paix du canton de Nancray. De nombreux écrits du registre portent sa signature.

signature sebastien bernaud

Parmi les petits faits de la vie communautaire dans le village, on découvre que le 13 janvier de l’an 1793, le marché de fourniture d’huile et de cierges à l’église est mis en adjudication. Celle-ci « …est restée à Jean Claude Bernaud pour la somme de 195 livres… » ainsi que l’usage d’une partie de terres communales «… joignant le cimetière pour y semer et faucher les foins pour la présente année…le tout payable à la saint Martin… ». En 1793, notre ancêtre direct né en 1750 à alors 43 ans. Est-ce le bénéficiaire de ce marché ou son neveu, fils de Laurent Bernaud ? Cette adjudication est remise en jeu chaque année, plusieurs années de suite, Jean Claude Bernaud sera l’heureux bénéficiaire de ce marché de fourniture pour l’église qui sera élargi au blanchissage.

amodiation JCBernaud 1793

La fonction de garde forestier a fait l’objet de plusieurs débats et décisions. Les vols de bois sont fréquents et une vigilance serrée est indispensable. Le bois représente non seulement le combustible pour le chauffage et la cuisson, mais c’est aussi une ressource grâce à sa vente.  Dans un premier temps la municipalité a décidé  de créer deux postes rémunérés. Mais devant la charge financière pour la commune, les élus sont revenus sur cette décision, et ont rétablit les tours de rôle annuels, partagés à chaque fois par 4 villageois. Le 9 germinal de l’an III, Claude-Nicolas, Jean-Claude et Nicolas Bernaud seront désignés pour exercer cette fonction non rémunérée.

Mais les faits les plus souvent décrits sont en lien avec la guerre que mène la jeune république. L’armée du Rhin est levée pour combattre la coalition des armées étrangères suite à la déclaration de guerre à l’Autriche de 1792.  Cette ‘armée vit au jour le jour et son ravitaillement est effectué par réquisition dans les départements voisins de la Basse-Alsace. On trouve dans le relevé des actes de la Municipalité de nombreux écrits sur ces réquisitions. On comprend qu’un effort de guerre considérable est supporté par les habitants du village.

Le 5 avril 1793, l’assemblée est réunie pour la mise en place d’un gagement pour les 4 soldats « volontaires » que Nancray doit fournir à la milice. Ces soldats seront désignés par tirage au sort. Le gagement doit permettre d’équiper ces hommes, notamment pour leur habillement.

Le canton de Nancray au début de l’an II est astreint simultanément à la fourniture de 222 quintaux 75 livres d’orge et de 66 quintaux de méteil (mélange de blé et de seigle). Les représentants de la municipalité ont aussitôt manifesté leur  incapacité de livrer de telles quantités de céréales. Les habitants font valoir qu’ils ne peuvent donner que 105 quintaux, ce qui provoque la colère du directoire du district de Besançon, qui outre le fait de n’avoir pu engranger la quantité demandée, a vu ses voitures retourner à vide à L’Abergement ! Aussi, le 4 ventose, an II de l’année républicaine (22 février 1794), les administrateurs du district de Besançon font transcrire dans le registre une lettre dans laquelle le canton est prévenu, que si le solde de la réquisition n’est pas livré pour le surlendemain, « … avant la fin du jour, vous recevrez une garnison de deux cent hommes dont vous supporterez seuls les frais et les dépenses jusqu’à ce que la réquisition soit réalisée ;  Évitez vous le désagrément  et croyez à notre sévérité autant qu’à notre justice »

Cet épisode trouvera son épilogue quelques jours plus tard,  le 7 ventose an II (25 février 1794) Le citoyen Claude François Renaud de L’Abergement s’est transporté à Nancray avec plusieurs voitures. Puis, accompagné par le Maire, un officier municipal et le greffier de la municipalité, il s’est rendu au domicile de chacun des citoyens portés sur le tableau de la réquisition pour collecter au total 202 quintaux et 63 livres d’orges, payés 2329 livres, 10 sols. (L‘Abergement dans le Doubs est situé sur les bords du lac Saint Point et deviendra Labergement Sainte Marie en 1883)

De telles péripéties ne sont pas rares dans les villages des départements du nord-est de la France qui doivent faire face à ces sollicitations avec leur peu de moyens. Ces réquisitions successives ont peu à peu épuisé le pays, provoquant une grave crise de subsistance, aggravée par la catastrophe des assignats. A ces difficultés s’ajoutent celles du transport.

Le 23 brumaire de l’an III (13 novembre 1794) l’inspecteur pour la levée des chevaux se plaint de la lenteur que l’on apporte pour livrer le contingent prescrit. Il met en demeure le Maire, et sous sa responsabilité personnelle , de faire livrer 18 chevaux et 11 harnais sur la place d’armes de Besançon, avant le 3 frimaire ( 23 novembre) Plus tard, le district de Besançon devra fournir 30 voitures de 4 colliers afin de « … fournir un avantage considérable aux armées de la République, puisque les voitures dont il s’agit seront employées à charger sur le territoire ennemi les abondantes récoltes qui y sont … ce qui … diminuera d’autant les forces et les ressources des forces coalisées ». La municipalité de Nancray décide à ce moment-là d’accorder aux villageois une gratification de 1200 livres par voiture attelée.

A ces réquisitions directes pour l’armée viennent s’ajouter celles qui contribuent aux fournitures de guerre. Ainsi, régulièrement une corvée de bois est organisée afin de fournir en bois le citoyen Lacoste, salpêtrier à Besançon.

On trouvera également cette réquisition en provenance du Ministère de la Marine pour «… la mise à disposition de tous les bois nationaux et particuliers, qui par leurs dimensions peuvent être propres à la construction des vaisseaux de guerre… » Le citoyen Nicolas Foyard de Scey sur Saône est désigné comme responsable du bois de marine pour les départements de la côte d’Or, de la Haute Saône, du Doubs… Nancray est mise à contribution pour la fourniture de 2 scieurs de long.

Le clan Bernaud dans cet épisode « révolutionnaire » est mis à contribution comme tout un chacun. 4 familles figurent systématiquement sur les tableaux des réquisitions de grains : Sébastien Bernaud, Nicolas Bernaud, Jean Claude Bernaud, et, la veuve Pierre Bernaud. Dans un recensement des chanvres on voit apparaître Claudine Bernaud et Valier Bernaud. Sébastien Bernaud participe à un convoi de 5 voitures pour le transport de boulets à Auxonne.

Outre les réquisitions au bénéfice de l’armée, les paysans sont également mis à contribution pour fournir le marché de Besançon et aussi pour la nourriture des indigents de l’hospice de Belleveaux.

Réquisition de pois et lentilles (nantril) du 22 frimaire an III au bénéfice de l’hospice de Belleveaux à Besançon

 réquisition des pois et nantril

Mais la vie communale a aussi ses faits divers ! Le 15 frimaire de l’an 3 (5 décembre 1794) Sébastien Bernaud est victime d’une agression. Son fils Claude Nicolas a sollicité de  la municipalité qu’elle vienne constater les dégâts commis à son habitation. Il s’agit probablement un différent entre cousins, puisque l’agresseur est de la famille Guiornaud, plusieurs Bernaud ont épousé des Guiornaud. L’affaire semble grave car avec un pavé d’environ I kg, la fenêtre du poêle de l’habitation de Sébastien Bernaud a été brisée, à la suite d’une altercation avec André Guiornaud avait notamment traité Sébastien d’aristocrate et de voleur ! On peut imaginer qu’à cette période de la Terreur, être traité d’aristocrate pouvait être grave et lourd de conséquence.

SONY DSC

à suivre

Laisser un commentaire

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑